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politiquement correct - Page 13

  • Ballard et sa trilogie de béton...

    il faut une dose d'aspérité émotionnelle car une société aseptisée produit un besoin désespéré de chaos. On ne peut pas vivre dans une atmosphère d'école du dimanche. 
    En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/livre/j-g-ballard_807391.html#XdYzGrPUf2Wt1X7c.99
    il faut une dose d'aspérité émotionnelle car une société aseptisée produit un besoin désespéré de chaos. On ne peut pas vivre dans une atmosphère d'école du dimanche. 
    En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/livre/j-g-ballard_807391.html#XdYzGrPUf2Wt1X7c.99

     « Il faut une dose d'aspérité émotionnelle car une société aseptisée produit un besoin désespéré de chaos. On ne peut pas vivre dans une atmosphère d'école du dimanche. […] Et puis, il y a les polices intellectuelles, le "politically correct" qui surveille subrepticement nos comportements les plus intimes. Plus une société est civilisée et normée, moins elle a de choix moraux à faire. Aujourd'hui, le seul dilemme auquel on est confronté est le choix entre deux paires de baskets. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que cet ensemble de conventions, de régulations et de lois a toujours été perçu de façon positive, comme faisant partie des dernières contractions des Lumières. Les dictatures du futur seront obséquieuses et patelines plutôt qu'ouvertement violentes, elles seront douces mais sinistres. » J.G. Ballard, in L'Express (7 juillet 2011)

     

    Les éditions Gallimard rééditent en un volume, dans leur collection de poche Folio,  Crash! , L'île de béton et I.G.H. , les trois romans de J.G. Ballard qui composent la trilogie de béton. Jetant un regard incisif et critique sur le monde moderne, J.G. Ballard est l'auteur de nombreux romans, dont Super-Cannes (Fayard, 2001), Millenium people (Denoël, 2005) ou Sauvagerie (Tristram, 2008).

     

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    "Crash ! Après avoir causé la mort d'un homme lors d'un accident de voiture, James Ballard, le narrateur, développe une véritable obsession y compris sexuelle pour la tôle froissée.

    L'île de béton. Alors qu'il revient de son bureau, Robert Maitland est victime d'un accident : sa voiture quitte l'autoroute et vient s'échouer en contrebas sur un îlot surplombé par un échangeur. A priori rien de plus simple que d'être secouru, mais Maitland est blessé et personne ne s'arrête.

    IGH. Dans une tour de mille appartements répartis sur quarante étages, la population apparemment homogène ne tarde pas à se scinder en clans. La tour se balkanise et devient le siège d'une nouvelle forme de guerre.

    Crash !, L'île de béton et IGH forment la bien nommée "Trilogie de béton", une des oeuvres majeures de la littérature du XXe siècle, où se mêlent esthétique automobile, architecture visionnaire, folie sociétale et une forme de pornographie si élaborée qu'elle donne un nouveau sens à ce mot."

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  • Sur la liberté d'expression...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Robert Redeker, cueilli sur le blog de cet auteur et consacré à la liberté d'expression...

     

    Robert Redeker.jpeg

    La liberté d'expression implique le droit de déranger les associations, les corporations, les communautés, les Etats et les personnes. Mieux, la liberté d'expression s'accompagne du devoir de déranger. Or, la croyance contraire s'est répandue : la liberté d'expression se ramènerait au droit de dire et d’écrire des choses qui ne dérangent, ne choquent, ni ne blessent personne. Elle ne se conçoit que sur un mode insipide. On la veut dormitive, comme les journaux télévisés qui ne parlent que de sport et du temps qu’il fait !  Mille associations — celles qui attaquèrent  Charlie Hebdo, par exemple, lorsque cet hebdomadaire a repris les caricatures danoises de Mahomet, celles qui aujourd’hui s’en prennent à Renaud Camus, à Alain Finkielkraut, à Nicolas Canteloup, à cent autres — voient dans la liberté d'expression le droit de dire ce qui ne les dérange pas. Il est recommandé — par l'idéologie ambiante, l'air du temps — de ne point s'en servir jusqu'au bout. Adhérer à cette moitié d'idée, c'est postuler que la liberté d'expression doit demeurer une liberté simplement formelle, muséifiée, ne bousculant rien ni personne. Qu’elle doit demeurer une liberté exposée dans une vitrine fermée à clef. L'essence de la liberté d'expression repose dans le devoir de déranger.  
    Il suffit de se mettre à l’écoute des nouvelles de notre pays pour se rendre compte que nous vivons un néo-maccarthysme délirant, qu’aucune force ne paraît plus en mesure d'arrêter. Qu’il sera bientôt un ouragan ravageur auquel rien ne sera en mesure de résister. Nous vivons désormais dans le pays de la surveillance et de la dénonciation généralisées, clone postmoderne de la RDA de jadis. Le politiquement correct, confondu avec la morale dont il usurpe la place, y tient le rôle de la ligne du parti. Demain sans doute, les enfants devront-ils dénoncer leurs parents à leurs maîtres d'école pour des propos et des attitudes politiquement incorrects (sur l'homme et sur la femme, sur les races humaines, sur le mariage, sur les homosexuels)! Les enfants seront les policiers du Bien, à l'intérieur des familles. L'origine de cette situation pathologique est à chercher dans le suicide de la gauche, dans ce moment des années quatre-vingts où celle-ci décida de substituer la moraline des bons sentiments à la lutte des classes, de remplacer l'ouvrier par l'immigré, le peuple par la mosaïque des identités.
    Nous vivons une étrange et inattendue dictature : celle des associations. Beaucoup d’esprits paresseux s’inquiètent de la répétition des années trente, se laissent aller à comparer les époques. Tant de bêtise, il est vrai, n’étonne pas ! C’est l’intelligence qui est une exception, non la bêtise, partagée par tous, surtout en démocratie. Mais comme l’a dit Nietzsche, l’histoire n’avance pas comme les écrevisses à reculons. Le mal ne se répètera pas, il prendra d’autres formes ; plus : il partira peut-être de ceux dont la raison d’être est de le combattre, de ceux qui se donnent pour les vigiles et les sentinelles ennemis d’un mal dont ils veulent préserver le corps social; il croîtra peut-être en leur sein comme un cancer malicieux. Il n’est pas impossible qu’il vienne des défenseurs des droits de l’homme, des gardiens des mémoires, de ceux qui se croient « les bons », « les humains », qui se tiennent pour « les vrais hommes », tout en se regroupant dans de nouvelles ligues, différentes de celles de l'entre-deux-guerres, les ligues de vertus et les associations. Comme un voleur dans la nuit, le criminel arrive par où nul ne s’attend à l’y voir. Existèrent la tyrannie de la majorité, le totalitarisme d’Etat ; existera: l’impitoyable dictature des associations. Le crime nous reviendra en entrant par cette porte. L’actualité nous en offre chaque jour le triste augure.
     
     
    Robert Redeker (Journal en ligne de Robert Redeker, 8 février 2014)
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  • Décryptage des médias sur TV libertés...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la première d'I-Média sur TV libertés, une émission hebdomadaire consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia. La chasse à la désinformation, aux manipulations et au politiquement correct est ouverte !...

     

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  • Lettre aux Norvégiens...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier un essai de Richard Millet intitulé Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes. Il revient à cette occasion sur son Eloge littéraire d'Anders Breivik qui avait suscité une violente polémique et lui avait valu une mise au ban du monde littéraire.

     

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    " [...] Depuis qu'il tut contraint de démissionner du comité de lecture de Gallimard en septembre 2012, l’écrivain, en faveur duquel nulle pétition ne circula, est un homme seul, assigné à résidence, lecteur intermittent de quelques manuscrits de second choix, et qui ne participe à aucune décision éditoriale. Gallimard continuera-t-il à publier ses romans ? Rien n'est moins sûr, tant le courage est une vertu rare dans le petit milieu littéraire. Lui demeure acquise la fidélité d'un jeune éditeur, Pierre-Guillaume de Roux, qui n'est pas en vain le fils du réfractaire que fut Dominique de Roux, et de quelques journalistes, parmi lesquels, inattendu, Franz-Olivier Giesbert, qui lui a ouvert les colonnes du Point. Sans compter la cohorte de ses lecteurs anciens et les nouveaux, venus à lui dans le sillage du scandale et de la conjuration des "indignés" professionnels.

    Son orgueilleux refus de la repentance aggravera la vindicte à son égard. «Échec, opprobre, solitude: j'en ai toujours fait mon sel, écrit l'auteur dans sa Lettre ouverte aux Norvégiens... C'est pourquoi je ne prétends pas plus au martyre qu'à la pitié, non plus qu'à la condescendance moralisante ou psychologisante par laquelle on m'incite parfois à regretter, chez moi, je ne sais quelles dispositions à la provocation, voire au masochisme. »

    Revenant sur le réquisitoire prononcé à son encontre par de vertueux censeurs qui, pour la plupart, n'avaient lu que le titre de son essai, Éloge littéraire d'Anders Breivik, par lequel le scandale était advenu, Millet récuse les principaux griefs de ses juges: il n'a jamais fait l'apologie d'un tueur de masse, mais seulement vu en lui le produit
    pervers, le choc en retour, d'une politique iréniste ; il n'a pas voulu dire que ses victimes, complices d'un système néfaste, méritaient de mourir, et s'il n'a pas manifesté de compassion pour elles, alors qu'il se sent depuis toujours solidaire de tous les vaincus de l'Histoire, c'est que le silence lui paraissait le seul signe de respect, voire de compassion, qui n'a pas besoin d'être ostentatoire.

    Est-il nécessaire de souligner que cette défense orgueilleuse ne convaincra pas plus ses critiques qu'elle ne désarmera la haine à son endroit : car bien loin de se présenter en coupable repentant, nu-pieds sur le chemin de Canossa, Millet ne renie pas ses propos sur les menaces que le multiculturalisme et l'immigration extraeuropéenne font courir à l'identité européenne.

    Ni raciste, ni nationaliste, ni fasciste, ni xénophobe, ni provocateur, il se pose en victime émissaire et revendique son « innocence d'écrivain solitaire», refusant le déni de réalité et la décadence de la littérature, et « cherchant dans la langue une voie qui est celle de la vérité». Condamné à l'infamie et à la damnatio memoriae, banni de la scène publique - comme l'a montré, après qu'il ait été accepté et loué,
    le soudain refus du livret que Luc Bondy lui avait demandé pour un opéra de Marc-André Dalbavie, Charlotte Salomon —, il sait que les conséquences de "l'affaire Millet" se feront sentir longtemps encore et que seules, peut-être, les générations à venir rendront
    justice à son œuvre. «Je suis toujours en guerre, conclut-il. Encore plus étranger au bruit de la foule, aux fausses valeurs, aux mots d'ordre du Bien, je continue à écrire : j'apprends à être seul, j'accouche de moi-même, je tente de me défaire du rapport de moi à soi qui définit le narcissisme littéraire [...]. Et je m'éloigne, cherchant l'absolu d'une rupture qui ne se confonde pas avec le nihilisme...»

    Mes écrits témoigneront pour moi, veut croire l'écrivain qui, à dessein, use du futur, sachant qu'il n'a pas été lu, et l'eût-il été, qu'il n'eût pas été compris, ni entendu de bonne foi. À rebours de la foule des tâcherons de la plume pour qui la littérature n'est qu'un divertissement profane et participe de l'échange banal des marchandises, Millet la reconnaît pour ce qu'elle doit être, une aventure spirituelle, un style de vie, un exorcisme des démons, démons personnels et démons du siècle. Une confrontation permanente avec le risque, celui, pour citer Michel Leiris, du contact avec la corne du taureau. [...] "

    Bruno de Cessole (Valeurs actuelles, 3 février 2014)

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  • Le nez de De Gaulle et son identité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christian Combaz, cueilli sur son site personnel et consacré à la question de l'identité...

     

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    Le nez de De Gaulle et son identité

    A l'époque de mon enfance , dans la France du Général de Gaulle, on caractérisait volontiers les gens par leur aspect. On disait par exemple ( comme on aurait pu dire de De Gaulle lui-même) « c'était un type à grandes oreilles, une voix qui commençait comme un barrissement, par de curieux aigus, et une silhouette voûtée, dont les épaules semblaient avoir un temps de retard sur les mouvements de la marche ».

    Cette habitude du portrait instantané résultait de cinq ou six siècles de littérature. De Montaigne à Marcel Proust, en passant par Balzac et Dumas, on avait coutume de croquer les gens en permanence.

    Cinquante ans plus tard, la pratique sociale a tellement changé qu'il n'est plus question de désigner quelqu'un par sa taille, le volume de son nez, l'angle de ses oreilles ou, évidemment, la couleur de sa peau.

    Pourquoi ? Parce que l'individu ne doit plus être décrit et qu'il est interdit de dire que l'Oncle Marcel a un drôle de pif . Parce que, si on commence dans ce registre, c'est la porte ouverte à la description raciale, donc à la discrimination. On dira donc plutôt de l'Oncle Marcel qu'il est très attentif aux autres, qu'il a une grande capacité d'écoute. Ou le contraire. Mais quant à savoir à quoi il ressemble, plus question de le réduire à son apparence. Ce serait une offense à ceux qui n'aiment pas la leur. Pire, les surnoms dont les groupes gratifiaient autrefois leurs membres, le genre « patte-folle », « le tondu », « la pipelette », etc, tout cela est relégué au rang des habitudes réductionnistes, fascistes, au nombre desquelles la simple différenciation entre les êtres sera probablement classée un jour.

    Or quand on y réfléchit et c'est l'objet de ce tour de piste, l'identité d'un être est justement, très souvent, forgée par la façon dont on le désigne. En ce sens, ceux qui, aujourd'hui condamnent toute forme de désignation d'autrui dès l'enfance par ses traits les plus immédiats croient faire œuvre pie. En empêchant un petit garçon de se percevoir comme masculin, une petite fille de Brest de se regarder comme féminine, comme bretonne, comme française, en se gardant de désigner les origines, les dons, les prédispositions d'un enfant, les parents militants et les professeurs pénibles, qui sont souvent les mêmes, croient agir pour une société idéale, délivrée de tout préjugé, de tout déterminisme, de tout rejet de l'autre, or ils font exactement le contraire.

    Voyons en quoi ce que nous avons vécu était conforme aux règles qui président à la construction d'une identité et voyons en quoi ce que nous vivons y contrevient gravement . Et surtout voyons quelles en sont les conséquences. 

    L'identité se forge dès l'enfance par l'adoption d'un rôle, d'une image, d'une spécialité reconnue, d'une préférence affichée. La différence entre garçons et filles, qui semble la première, est délibérément brouillée aujourd'hui dès l'attribution des rôles, et il est probable qu'elle sera un jour conjurée par le vêtement unisexe. L'école de la République post-gaullienne prétend en outre demeurer généraliste afin de ne pas fermer à l'enfant des portes trop tôt mais l'expérience prouve, après cinquante ans, que les portes restées ouvertes mènent à une impasse, celle de l' indéfinition. Le «je ne sais pas quoi faire » de l'élève de Terminale admet un corollaire, « je ne sais pas qui je suis » - jusqu'à ce que le marché de l'emploi me le dise, mais une identité forgée par Pôle-Emploi est-elle vraiment conforme à l'idéal de Jean-Jacques Rousseau, selon qui l'éducation a pour objet de faire un homme, et pour qui il n'est pas de métier plus urgent  ? Ce n'est pas certain.

    L'identité est forgée, aussi, par référence à celle de l'autre, mais comme on interdit aux enfants de dessiner leurs voisins dans leurs caractéristiques les plus évidentes , il ne savent plus se dessiner eux-mêmes. L'identité est un autoportrait auquel, de temps en temps, votre voisin de classe, votre entourage, votre hiérarchie vient apporter sa touche, or depuis trente ans tout le monde a reçu la consigne de déposer les pinceaux. Ceux qui ne veulent pas qu'on dessine leur portrait, sans doute parce qu'ils ne s'aiment pas, comme ces rombières qui ne veulent pas être prises en photo, ont gagné la partie. Les enfants, faute de pouvoir adopter leur portrait, sont voués aux formes géométriques, à l'abstraction d'autrui, à l'abstraction d'eux-mêmes et aux mathématiques.

    L'identité est reliée au temps. Elle est construction, elle a un rapport avec l'avant et l'après, les âges historiques, les âges de la vie. On mesure hélas chaque jour à quel point l'éducation comme la société font abstraction de l'Histoire, des origines, et même de l'âge des protagonistes du jeu social, . Depuis les années 70 on voit apparaître non seulement un type humain indéfinissable par son aspect physique, mais par son âge lui-même et par ses origines. On l'affuble d'un déguisement de jeune adulte dès l'adolescence. Il le garde jusqu'au seuil de la vieillesse. L'histoire de sa famille est volontairement brouillée par le système. Il devient obligatoire, en tout cas il est très chic de confesser son appartenance à trois ou quatre mondes culturels différents dont on ignore tout, à l'américaine.Combien de fois les Californiens nous ont-ils fait le coup du « je crois que j'ai des ancêtres ukrainiens, c'est un état de Russie n'est-ce pas? ». Et la chose qu'on entend le plus souvent dans les jeux télévisés, est, en réponse à une question sur Napoléon III : je ne connais pas la réponse, parce que je n'étais pas né.

    L'identité entretient, enfin, un rapport intime avec le langage qui classe, différencie, permet le refus de ce qui n'est pas soi, permet de définir ce que sont les autres. Le contrôle du langage est donc parmi les plus féroces priorités que s'est fixé le XXème siècle. En 1950, on disait à ses adversaires ou à ses élèves :" je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites", on dit, désormais, "vous n'avez pas le droit de le dire" - ce qui interdit de se forger une conviction par confrontation avec celles des autres, puisque certaines ne sont même plus exprimables. De même certains mots ne sont plus prononçables. Pire, certains autres n'ont plus le même sens pour tout le monde , ce qui interdit d'opposer à autrui une parole compréhensible à tous puisque le sens des mots dépend de celui qui écoute. Si c'est le gouvernement français qui écoute, il peut vous imputer à crime tout qu'il trouve dans votre courrier électronique - avant de téléphoner à Washington pour savoir ce qu'il doit en faire .

    Du langage, nous passons donc au sens, ultime cercle de l'éviction de l'identité. Quand un langage cesse de désigner le réel, quand il n'est plus l'expression de quelqu'un, il est l'expression de quelque chose. Ce n'est plus vous qui parlez, vous ne savez plus ce que vous dites: ça parle en vous.

    Nous voilà dans le monde de l'inadvertance, du non-dit, du signifié par défaut. L'identité ne saurait-être niée davantage. On vous tient pour le pitoyable instrument de quelque chose qui vous dépasse. Vous proférez des choses qui ne vous appartiennent pas, comme dans les pièces de Ionesco ou certaines scènes du dramaturge Jean-Luc Lagarce. 

    Quelles en sont les conséquences ? Nous les mesurons dans tous les films de science-fiction, mais dans ce domaine et pour paraphraser le génie de ceux qui nous gouvernent, demain c'est maintenant. Le film est en train de se rembobiner à toute allure : la parole, c'est à dire le langage qui dit quelque chose, qui exprime une volonté, une préférence, un refus, qui a un auteur, s'apprête à resurgir, à retentir de nouveau. Naturellement, le corps social militant, associatif, normatif, essaie de discréditer cette renaissance du verbe individuel, en essayant de montrer une fois de plus que ça parle en vous. Si vous refusez de pratiquer le fétichisme du sens obligatoire, du discours fléché, vous offensez les Dieux. Mais ce discours ne marche plus.

    Rembobinons le film par le langage. On voit bien, et nous avons vu récemment, qu'on ne peut pas lutter durablement contre l'usage des mots. Et que lorsque certains mots sont interdits par décret, certains gestes criminalisés, il suffit de les remplacer par d'autres. La conséquence de la réglementation est donc le contraire de ce que l'on croit : l'infection se répand. Aucun antibiotique n'est efficace. Quand le mot quenelle sera interdit sur les boîtes de conserve, un autre deviendra à la mode. La jeunesse saura toujours inventer de quoi défier le pouvoir, lequel, en attendant, se discrédite en courant après les mots comme n'importe quelle dictature d'opérette. 

    Remontons encore le film mais cette fois par l'Histoire.

    Elle est en train d'enfler dans les profondeurs comme un tsunami encore ignoré. Le tremblement de terre a déjà eu lieu au milieu de l'Océan, désormais la vague géante est presque formée. Elle déferlera très vite. Les groupes humains qu'on a voulu priver de leur mémoire , de leur territoire, les retrouvent inopinément. Chacun est à la recherche d'une définition de soi, les uns en analysant de manière compulsive l'histoire de la colonisation ou des croisades, les autres en nous parlant de Celtes et des Teutons. Fâcheuse victoire. Le communautarisme à l'américaine, qui ne peut pas avoir d'équivalent chez nous parce que nous sommes des pays étroits, c'est Babel dans une cage d'escalier . C'est votre voisin qui vous reproche la conduite de vos ancêtres. C'est la religion qu'on arbore comme une cartouchière. Là encore, on aimerait que les fourriers de l'indifférenciation  soient placés  face aux conséquences de leurs actes, et obligés de vivre avec ceux qu'on n'a plus le droit de regarder dans la rue. A présent ces derniers se désignent eux-mêmes à notre attention à tout propos et nous parlent de leur fierté. Leur fierté n'est pas agressive, non : sauf qu'elle défile deux fois par an en vous faisant un bras d'honneur en maillot de cuir, qu'elle envahit les églises sans soutien-gorge, ou qu'elle porte des vêtements traditionnels au supermarché.

    Remontons enfin le film identitaire jusqu'à l'Individu, et observons le résultat de l'angélisme des maîtresses d'école qui cherchent à conjurer depuis dix ans la vocation, le genre, la différenciation physique, la répartition des rôles chez les enfants : désormais les caractères sexuels les plus provocants sont apparents dès l'âge de douze ans et demi, surtout en milieu populaire. Les adolescents sont couverts de tatouages tellement nombreux et compliqués qu'ils ressemblent aux guerriers des bandes dessinées, aux mercenaires des jeux vidéo. On a prétendu les dresser à respecter leurs camarades c'est à dire à ignorer leurs différences dès la maternelle, ils n'ont que l'invective et l'insulte raciale à la bouche. Encore merci aux éducateurs et aux parents.On les voulait citoyens, ils ne connaissent que leur bande. On voulait qu'ils réfléchissent par eux-mêmes, ils pratiquent la loi de la meute. On ne voulait pas les contraindre, ils contraignent leurs parents et leurs maîtres. A la recherche de quoi ? De ce dont les bons apôtres les ont privés : une définition. Quand on sait qui on est, on n'a besoin d'affronter personne.

    Ils ont besoin d'affronter tout le monde.

    A présent il reste aux coupables à affronter la vérité. Peut-être qu'enfin, ils trouveront de quoi se reconnaître dans la glace à cinquante-huit ans. Mais quelle indulgence nourrissent, à leur égard, leurs enfants et leurs petits enfants devant ce monde qu'ils ont rendu dangereux par tant de généreuse niaiserie ?

    Christian Combaz (Site de Christian Combaz, 22 janvier 2014)

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  • Notre vie privée appartient désormais à l'empire du Bien...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique incisive d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 21 janvier 2014 et consacrée au projet de loi sur la parité homme - femme et à ses dispositions consacrées à la lutte contre les "stéréotypes sexuels" ...

     


    Notre vie privée appartient désormais à l... par rtl-fr

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